A propos de l'éditeur

Image de l'éditeur

Le Tripode

Lorsqu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale, on demanda à Francis Ponge pourquoi il avait préféré écrire sur une forêt (Le Carnet du bois des pins, éditions Mermod, 1947) au lieu de rédiger comme d’autres poètes des manifestes sur la liberté, il répondit, tranquillement, que son ambition était de concevoir des bombes à retardement, et non des mitraillettes.
Depuis sa création en 2012, le Tripode reprend pour elle cet état d’esprit. Elle est au service d’auteurs dont elle admire ce qui lui semble la seule liberté possible : privilégier la sensibilité aux doctrines, le cheminement dissident de l’imaginaire à l’immédiateté du discours.
Construire une maison d’édition est une chose complexe, et une activité souvent mystérieuse pour les lecteurs. Dans l’univers du livre, un auteur écrit, un imprimeur fabrique, un libraire conseille, un critique analyse. Mais l’éditeur ? Il doit « ouvrir un lieu d’asile aux esprits singuliers », disait Jean-Jacques Pauvert. Cet éditeur du XXe siècle, qui révolutionna le monde de l’édition par l’audace de ses parutions, la beauté de ses livres et l’éclectisme de ses goûts, est une figure tutélaire pour le Tripode. C’est à lui que nous devons le parti pris de publier ce qui nous chante dans toutes les catégories de l’imaginaire : du roman à la bande dessinée, du beau- livre à la poésie, de l’ouvrage érotique au recueil humoristique, le Tripode ne s’interdit rien. Surtout, c’est de lui que nous vient la leçon fondamentale que plus une œuvre est forte, plus elle doit être protégée. Cette conviction a fondé la vocation de notre maison d’édition.
Et de fait, de L’Art de la joie de Goliarda Sapienza aux Jardins statuaires de Jacques Abeille, de Vie ? ou Théâtre ? de Charlotte Salomon à L’Homme qui savait la langue des serpents d’Andrus Kivirähk, de Née contente à Oraibi de Bérengère Cournut à Anguille sous roche d’Ali Zamir, le Tripode ne compte plus les œuvres de son catalogue qui ont failli ne jamais exister ; qui, pendant des années, ont cherché vainement à paraître.
Faire entendre l’importance des livres que nous aimons est donc la seule ambition qui nous guide. Dans un monde en surchauffe, où les mots s’anémient et les questions se multiplient, comment transmettre le temps de ressentir ? Comment faire résonner des livres fondés sur la richesse des autres quand tant, aujourd’hui, nous pousse à l’immédiateté et la défiance ? Ce sont les questions que nous nous posons chaque jour. Avec la détermination et la force acquises au contact de ces œuvres... mais aussi l’humilité que nous impose forcément l’incroyable légèreté de nos existences.

Frédéric Martin

https://le-tripode.net/