Description
Quel sera le destin de ce blessé dont les médecins pensent qu’il ne survivra pas ? À quelle épreuve son corps sera-t-il soumis ? Qu’adviendra-t-il de ses souvenirs, de son chemin de vie alors que ses moindres gestes sont à réinventer, qu’il faut passer du refus de soi au désir de poursuivre ?
Murène s’inscrit dans cette part d’humanité où naît la résilience, ce champ des possibilités humaines qui devient, malgré les contraintes de l’époque – les limites de la chirurgie, le peu de ressources dans l’appareillage des grands blessés –, une promesse d’échappées. Car bien au-delà d’une histoire de malchance, ce roman est celui d’une métamorphose qui nous entraîne, solaire, vers l’émergence du handisport et jusqu’aux Jeux paralympiques de Tokyo en 1964.
“À l’origine du roman, l’image du champion de natation Zheng Tao jailli hors de l’eau aux Jeux paralympiques de Rio en 2016, qui flotte en balise cardinale parmi les remous turquoise. Je contemple l’athlète à la silhouette tronquée, son sourire vainqueur, sa beauté insolite. Autour, les gradins semi-vides minorent cette victoire. Je m’aperçois que j’ignore tout de l’histoire du handisport, ce désir de conformité avec les pratiques du monde valide en même temps que d’affirmation radicale d’altérité, qui questionne notre rapport à la norme. À travers le personnage de François, sévèrement mutilé lors d’un accident à l’hiver 1956, Murène en restitue l’étonnante genèse.
Mes romans s’attachent souvent à des personnages en résistance, luttant obstinément contre les obstacles, dont ils viennent à bout. François est de ceux-là, seulement la volonté ne suffit pas. À une époque où balbutie encore la rééducation, et où l’appareillage ne parvient pas à compenser les manques de son corps, l’imagination est encore le plus puissant recours contre le réel, que François tente de plier à ses désirs.
Mais Murène est moins l’histoire d’un combattant que d’un mutant magnifique : la transformation profonde d’une identité et d’un rapport au monde quand l’obstacle devient chance de métamorphose. Le handisport en sera l’artisan, qui substitue alors à l’idée de déficience celle de potentiel, une révolution du regard et de la pensée. Dans l’eau des piscines, François devient semblable aux murènes, créatures d’apparence monstrueuse réfugiées dans les anfractuosités de la roche, mais somptueuses et graciles aussitôt qu’elles se mettent en mouvement.
L’œuvre d’Ovide évoque tour à tour les métamorphoses punitives qui emmurent les êtres et celles qui les délivrent. François connaît l’une puis l’autre, l’impuissance face à la tragédie que l’existence lui impose, mais aussi et surtout une mutation patiente, solaire, qui l’ouvre à des possibles insoupçonnés.’’
Valentine Goby